mardi 17 mai 2022

Le Restaurant de l'amour retrouvé de Ogawa Ito

 

   

Le Restaurant de l'amour retrouvé

             Ogawa Ito


                   Philippe Picquier (2013)

                       265 pages

          







Ogawa Ito est née en 1973 dans la préfecture de Yamagata. Après avoir suivi des études de japonais classique à l'université de Tokyo, elle décide d'entamer une carrière d'écrivain. 

Elle débute alors avec des chansons et des livres pour enfants, avant de se lancer dans l'écriture de son premier roman, Le Restaurant de l'amour retrouvé. À sa parution en 2008, l'ouvrage connait un succès immense, et a même fait l'objet d'une adaptation cinématographique. 

⚪⚪⚪


Quand la jeune Rinco rentre chez elle, elle retrouve son appartement vide. Son petit ami l'a quitté, l'abandonnant sans laisser de trace. Seule, désemparée et désormais totalement silencieuse, elle décide d'utiliser ce qui lui reste en poche pour retourner dans son village d'origine.

Elle y retrouvera sa mère, et le fossé profond qui les sépare. Elle y retrouvera également l'amitié, la joie simple d'une vie proche de la nature, et l'amour pour une cuisine sincère. 


Après la lecture des Enfants de Venise, j'avais besoin d'une lecture cocon, d'un moment de douceur et de poésie, avant de repartir dans quelque chose de plus dense. J'avais également envie de Japon. Alors, pourquoi ne pas découvrir un écrivain dont je ne connais que le nom, un auteur renommé pour ses textes touchants. 

Ce livre était pour moi comme une jolie séance de méditation, un moment de douceur revigorant, une pause dans une vie parfois compliquée. 
Une pause. C'est exactement cela. Ce moment où l'on s'assoit et on commence à tourner les pages d'un livre en ayant l'impression de pénétrer à l'intérieur de son âme, de la voir s'ouvrir et s'épanouir. Voilà.

Le Restaurant de l'amour retrouvé a été l'occasion pour moi de retrouver ce Carpe Diem que j'avais égaré. L'occasion de retrouver comment " Cueillir le jour ", profiter des petits instants, être contemplatif. 


J'étais heureuse.
Heureuse à en avoir le souffle coupé, comme si j'allais mourir étouffée par le bonheur.

 

Dans ce roman, j'ai également eu les papilles en ébullition. J'ai eu envie de tester des tas de nouvelles recettes, de découvrir les différents pays du monde comme Rinco l'a permis à sa mère. 

J'ai été touchée par son respect envers chaque aliment, chaque être vivant sacrifié, chaque plante nécessaire à la constitution de ses menus. Rinco a su rendre la cuisine émouvante. 

Elle a su rapprocher les être humains et les toucher. Avec elle, la cuisine est devenue magique, une superbe manière de s'exprimer pour notre héroïne devenue muette. 


L’amour n’a pas besoin d’artifices, alors j’ai simplement ajouté une pincée de sel.

 

J'avais vraiment besoin de ce type de roman, celui qui met en évidence le quotidien et qui parvient à rendre exceptionnelles les petites choses insignifiantes de la vie. C'est souvent ce que je retrouve dans les récits japonais d'ailleurs, et ce que j'aime le plus.


Le simple fait de remettre sur ses pattes un cloporte coincé sur le dos était pour moi une joyeuse rencontre.

 

Le Restaurant de l'amour retrouvé a été pour moi une très belle rencontre, une pichenette sur le front pour ne pas oublier d'ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure. 

J'ai passé un très bon moment de lecture, c'était une jolie parenthèse douce, poétique, et aussi gourmande. 


Mes souvenirs les plus chers, je les range bien à l'abri dans mon cœur, et je ferme la porte à clé. Pour que personne ne me les vole. Pour les empêcher de se faner à la lumière du soleil. Pour éviter que les intempéries ne les abîment.



jeudi 12 mai 2022

Les Enfants de Venise de Luca Di Fulvio



   

Les Enfants de Venise 

             Luca Di Fulvio


                    Pocket (2018)

                       992 pages

          Paru au grand format chez 

             Slatkine et cie (2017)







Né en 1957,  Luca Di Fulvio est un auteur et homme de théâtre italien. Après la parution en France en 2016 du Gang des rêves, qui raconte l'histoire du jeune Christmas, italien expatrié aux Etats-Unis avec sa mère dans les années 20, Luca Di Fulvio devient rapidement un auteur reconnu dont la plume est comparée à celle de Dickens. 

Dans Les Enfants de Venise, Luca Di Fulvio raconte le quotidien de gamins des rues rêveurs dans une Venise de 1515.

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Mercurio, Benedetta, Zolfo et le simple d'esprit Ercole sont des orphelins des rues de Rome. Magouilleurs, pros du déguisement, détrousseurs habiles, ils montent leurs combines ensemble pour survivre. 

Jusqu'au jour où l'un de leurs coups tourne mal. 

Ercole se fait tuer par un marchand, et les trois malheureux doivent fuir la ville pour espérer des jours meilleurs. Ils filent en pleurant leur ami sur la route de Venise, et rencontrent la jeune juive Giuditta, son père, et le capitaine Lanzafame. 

Sans le savoir, ces rencontres vont sceller leur destin, changer leurs vies, et leurs rêves...


Depuis plus de six mois, je n'arrivais plus à lire. Aucune histoire ne réussissait l'exploit de me tenir en haleine plus d'une centaine de pages. J'ai tout essayer. Cosy crime, roman féminin, polar, fantasy, même jeunesse. L'envie de lire m'avait déserté.
J'ai déjà lu un Luca Di Fulvio, le désormais très célèbre Gang des rêves. Un sacré pavé, auquel j'avais accroché, mais sans y retrouver la fureur de lire que beaucoup m'avait dit avoir ressenti en tournant les pages. C'est bien, une jolie histoire d'amour et de vie. Mais je n'en garderais pas un souvenir impérissable.

Alors, quand je me suis lancé dans Les Enfants de Venise, j'était un peu méfiante, voire réticente. Parce qu'un beau bébé de presque 1000 pages, il faut avoir le courage de se jeter à corps perdu dans sa lecture. Surtout lorsqu'il s'agit d'un auteur dont j'avais aimé, mais sans plus, un autre de ses romans.

Pourtant, grand bien m'en fasse, j'ai pris ce pavé, je me suis posée confortablement, et puis j'ai lu. Sans m'arrêter. C'était génial! Poignant! Amer et sucré à la fois! Doux et atroce! Malicieux et cruel!

Une chose est sûre! Je me souviendrai longtemps de ce roman qui m'a redonné soif de lire...


Au cœur des Enfants de Venise, il y a cette histoire d'amour à la Roméo et Juliette. Deux gamins au passé tortueux, orphelins sans vraiment l'être, enfants sans vraiment l'être non plus, pour lesquels le rapport aux adultes demeurera complexe jusqu'à la fin. Mercurio et Giuditta, c'est l'histoire belle d'un coup de foudre, la réunion des deux moitiés d'une même âme. C'est l'évidence même. 


L'amour nourrit et engraisse. La haine consume et creuse. L'amour enrichit, la haine soustrait.

 

Au delà de cette histoire d'amour touchante, l'autre personnage principal de ce roman, c'est Venise. La belle Venise au lagon, qui dissimule tant bien que mal la pauvreté extrême. La Venise de 1515, où les juifs et chrétiens semblent cohabiter harmonieusement. Ville de la tolérance, qui deviendra pourtant le ghetto des juifs

Venise, ville de l'espoir, mais aussi ville de persécutions, de misère, de guerre religieuse et d'épidémie. C'est toute cette ambivalence que j'ai adoré dans Les Enfants de Venise. Luca Di Fulvio parvient à nous faire rêver avec cette superbe histoire d'amour, et à nous faire peur en la transposant dans un contexte historique lourd. La petite histoire se fait une place dans la Grande Histoire. Le rêve peut rapidement y devenir cauchemar à cause des puissants pour lesquels la vérité n'est rien.

Les puissants, mais pas que. L'Eglise se fait progressivement une place dans Venise. Et elle y apporte tourments et persécutions, particulièrement pour les juifs qui ont du mal à trouver leur place dans une ville qu'on dit pourtant "amie" pour eux.


 Rappelle-toi: dans notre monde, la vérité est celle qu'écrivent les puissants. En soi, elle n'existe pas.

 

Par ailleurs, n'oublions pas dans Les Enfants de Venise, la place que prennent les femmes. La prostitution y est omniprésente et très bien représentée, dans un contexte sordide, ou la solidarité fait barrage. 

Dans ce roman, les femmes sont de celles qui s'émancipent, qui s'assument, qui se cherchent. Ce sont aussi celles qui se font persécuter, trahir, chasser. Les femmes servent les hommes, les manipulent, les soutiennent. Elles sont amantes et sorcières, voleuses et envieuse. 


Les Enfants de Venise a beau être un bon pavé de 1000 pages, il se laisse savourer jusqu'à la dernière page. Un peu trop rapidement d'ailleurs, puisque je me suis obligée à ralentir ma lecture pour profiter encore un peu plus longtemps de Mercurio et ses amis. 

Car si Mercurio est le pilier de cette histoire, il est surtout l'âme de ce roman, celui autour duquel évoluent tous les personnages (et ils sont nombreux!). Il est celui qui réunit, qui sépare. Celui qui fait naître les plus beaux sentiments, comme les pires. 

Mercurio, c'est celui qui rêve, pauvre enfant des rues qui ne se laisse jamais abattre, qui ne cesse de croire en quelque chose de meilleur. Pour qui l'ambition est synonyme de liberté. Il est le personnage courageux et beau qui guidera ses compagnons et ne se détournera jamais du chemin qui s'est tracé. Un doux rêveur qui ne se contentera pas de rêver.


Elle le regarda avec amour." Il n'y a pas de rêves trop grands..."commença-t-elle à dire. Sa voix était calme. "Les rêves ne se mesurent pas. Ils ne sont ni grands ni petits."

 

Les Enfants de Venise restera très longtemps dans mes souvenirs, comme étant LE roman d'amour et d'aventures qui aura réussi à me faire de nouveau tourner les pages d'un livre avec envie. Je ne me suis pas ennuyé une seconde à suivre les aventures de Mercurio, Giuditta et des autres. Ils m'ont émerveillée, surprise, terrifiée, et tenue en haleine jusqu'à la fin. Chapeau monsieur Di Fulvio.


La vie est simple. Quand elle devient compliquée, ça veut dire qu'on se trompe quelque part. Ne l'oublie jamais. Si la vie devient compliquée, c'est parce que c'est nous qui la compliquons. Le bonheur et la souffrance, le désespoir et l'amour sont simples. Il n'y a rien de difficile.