jeudi 12 mai 2022

Les Enfants de Venise de Luca Di Fulvio



   

Les Enfants de Venise 

             Luca Di Fulvio


                    Pocket (2018)

                       992 pages

          Paru au grand format chez 

             Slatkine et cie (2017)







Né en 1957,  Luca Di Fulvio est un auteur et homme de théâtre italien. Après la parution en France en 2016 du Gang des rêves, qui raconte l'histoire du jeune Christmas, italien expatrié aux Etats-Unis avec sa mère dans les années 20, Luca Di Fulvio devient rapidement un auteur reconnu dont la plume est comparée à celle de Dickens. 

Dans Les Enfants de Venise, Luca Di Fulvio raconte le quotidien de gamins des rues rêveurs dans une Venise de 1515.

⚪⚪⚪


Mercurio, Benedetta, Zolfo et le simple d'esprit Ercole sont des orphelins des rues de Rome. Magouilleurs, pros du déguisement, détrousseurs habiles, ils montent leurs combines ensemble pour survivre. 

Jusqu'au jour où l'un de leurs coups tourne mal. 

Ercole se fait tuer par un marchand, et les trois malheureux doivent fuir la ville pour espérer des jours meilleurs. Ils filent en pleurant leur ami sur la route de Venise, et rencontrent la jeune juive Giuditta, son père, et le capitaine Lanzafame. 

Sans le savoir, ces rencontres vont sceller leur destin, changer leurs vies, et leurs rêves...


Depuis plus de six mois, je n'arrivais plus à lire. Aucune histoire ne réussissait l'exploit de me tenir en haleine plus d'une centaine de pages. J'ai tout essayer. Cosy crime, roman féminin, polar, fantasy, même jeunesse. L'envie de lire m'avait déserté.
J'ai déjà lu un Luca Di Fulvio, le désormais très célèbre Gang des rêves. Un sacré pavé, auquel j'avais accroché, mais sans y retrouver la fureur de lire que beaucoup m'avait dit avoir ressenti en tournant les pages. C'est bien, une jolie histoire d'amour et de vie. Mais je n'en garderais pas un souvenir impérissable.

Alors, quand je me suis lancé dans Les Enfants de Venise, j'était un peu méfiante, voire réticente. Parce qu'un beau bébé de presque 1000 pages, il faut avoir le courage de se jeter à corps perdu dans sa lecture. Surtout lorsqu'il s'agit d'un auteur dont j'avais aimé, mais sans plus, un autre de ses romans.

Pourtant, grand bien m'en fasse, j'ai pris ce pavé, je me suis posée confortablement, et puis j'ai lu. Sans m'arrêter. C'était génial! Poignant! Amer et sucré à la fois! Doux et atroce! Malicieux et cruel!

Une chose est sûre! Je me souviendrai longtemps de ce roman qui m'a redonné soif de lire...


Au cœur des Enfants de Venise, il y a cette histoire d'amour à la Roméo et Juliette. Deux gamins au passé tortueux, orphelins sans vraiment l'être, enfants sans vraiment l'être non plus, pour lesquels le rapport aux adultes demeurera complexe jusqu'à la fin. Mercurio et Giuditta, c'est l'histoire belle d'un coup de foudre, la réunion des deux moitiés d'une même âme. C'est l'évidence même. 


L'amour nourrit et engraisse. La haine consume et creuse. L'amour enrichit, la haine soustrait.

 

Au delà de cette histoire d'amour touchante, l'autre personnage principal de ce roman, c'est Venise. La belle Venise au lagon, qui dissimule tant bien que mal la pauvreté extrême. La Venise de 1515, où les juifs et chrétiens semblent cohabiter harmonieusement. Ville de la tolérance, qui deviendra pourtant le ghetto des juifs

Venise, ville de l'espoir, mais aussi ville de persécutions, de misère, de guerre religieuse et d'épidémie. C'est toute cette ambivalence que j'ai adoré dans Les Enfants de Venise. Luca Di Fulvio parvient à nous faire rêver avec cette superbe histoire d'amour, et à nous faire peur en la transposant dans un contexte historique lourd. La petite histoire se fait une place dans la Grande Histoire. Le rêve peut rapidement y devenir cauchemar à cause des puissants pour lesquels la vérité n'est rien.

Les puissants, mais pas que. L'Eglise se fait progressivement une place dans Venise. Et elle y apporte tourments et persécutions, particulièrement pour les juifs qui ont du mal à trouver leur place dans une ville qu'on dit pourtant "amie" pour eux.


 Rappelle-toi: dans notre monde, la vérité est celle qu'écrivent les puissants. En soi, elle n'existe pas.

 

Par ailleurs, n'oublions pas dans Les Enfants de Venise, la place que prennent les femmes. La prostitution y est omniprésente et très bien représentée, dans un contexte sordide, ou la solidarité fait barrage. 

Dans ce roman, les femmes sont de celles qui s'émancipent, qui s'assument, qui se cherchent. Ce sont aussi celles qui se font persécuter, trahir, chasser. Les femmes servent les hommes, les manipulent, les soutiennent. Elles sont amantes et sorcières, voleuses et envieuse. 


Les Enfants de Venise a beau être un bon pavé de 1000 pages, il se laisse savourer jusqu'à la dernière page. Un peu trop rapidement d'ailleurs, puisque je me suis obligée à ralentir ma lecture pour profiter encore un peu plus longtemps de Mercurio et ses amis. 

Car si Mercurio est le pilier de cette histoire, il est surtout l'âme de ce roman, celui autour duquel évoluent tous les personnages (et ils sont nombreux!). Il est celui qui réunit, qui sépare. Celui qui fait naître les plus beaux sentiments, comme les pires. 

Mercurio, c'est celui qui rêve, pauvre enfant des rues qui ne se laisse jamais abattre, qui ne cesse de croire en quelque chose de meilleur. Pour qui l'ambition est synonyme de liberté. Il est le personnage courageux et beau qui guidera ses compagnons et ne se détournera jamais du chemin qui s'est tracé. Un doux rêveur qui ne se contentera pas de rêver.


Elle le regarda avec amour." Il n'y a pas de rêves trop grands..."commença-t-elle à dire. Sa voix était calme. "Les rêves ne se mesurent pas. Ils ne sont ni grands ni petits."

 

Les Enfants de Venise restera très longtemps dans mes souvenirs, comme étant LE roman d'amour et d'aventures qui aura réussi à me faire de nouveau tourner les pages d'un livre avec envie. Je ne me suis pas ennuyé une seconde à suivre les aventures de Mercurio, Giuditta et des autres. Ils m'ont émerveillée, surprise, terrifiée, et tenue en haleine jusqu'à la fin. Chapeau monsieur Di Fulvio.


La vie est simple. Quand elle devient compliquée, ça veut dire qu'on se trompe quelque part. Ne l'oublie jamais. Si la vie devient compliquée, c'est parce que c'est nous qui la compliquons. Le bonheur et la souffrance, le désespoir et l'amour sont simples. Il n'y a rien de difficile.



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